Publication du livre « L’influence des grandes affaires criminelles sur le droit »
Nos associés Philippe Vouland et Tom Bonnifay ont eu le plaisir de collaborer à la rédaction de l’ouvrage collectif Dalloz « L’influence des grandes affaires criminelles sur le droit » est imminente : le livre paraîtra le 21 novembre ! Ils y traitent de la question de la responsabilité de l’Etat à l’aune des affaires Grégory et des Disparus de Mourmelon.
Rien ne relie a priori l’affaire Bolle-Laroche à celle des Disparus de Mourmelon. La première affaire est intimement liée à celle du Petit Grégory. Bernard Laroche, d’abord suspecté pour le meurtre terrible de ce petit garçon de 4 ans retrouvé ligoté dans la Vologne, est finalement libéré. Il est ensuite assassiné par le père de l’enfant, son cousin. La seconde met en cause l’adjudant-Chef Pierre Chanal dans la disparition de 8 personnes dans les années 1980 à proximité du camp militaire de Mourmelon. Ce dernier n’est réellement inquiété qu’après des années d’instruction.
Le point commun entre ces deux affaires ? Les défaillances d’un système judiciaire et la mise en cause de la responsabilité de l’État pour faute lourde.
Parole d’avocats, il arrive parfois que le juge d’instruction se trompe. Plus rarement, il lui arrive d’être négligent. Le mythe de l’infaillibilité du juge d’instruction vacille avec les tristement célèbres affaires du Petit Grégory et des Disparus de Mourmelon. Des naufrages judiciaires, dirait le juriste au pied marin.
Cette fragilité est inhérente à sa fonction. Un subtil équilibre entre Maigret et Salomon disait Robert Badinter. Enquêteur d’abord, il soupçonne. Juge ensuite, il évalue ses propres soupçons. Cette fragilité
est toutefois problématique tant l’information judiciaire est primordiale.
Elle est au dossier pénal « ce que les fondations sont à une maison ». Si elle est imparfaite, tout s’effondre. Au chagrin de la perte, les familles de victimes ajoutent alors le regret d’être privées à jamais de la vérité. Gil Denis l’a écrit. Son frère était l’un des Disparus de Mourmelon. Dans sa lettre au ministère de la Justice, il parlait d’une enquête insuffisante. Il parlait des longs délais, des erreurs, de l’indifférence de l’institution judiciaire et de la nécessité de « lancer une enquête beaucoup plus large » sur ces dysfonctionnements.
Conscients de la vulnérabilité du juge d’instruction, bien des esprits éclairés ont essayé de lui trouver un remplaçant. Plutôt que le reléguer sur le banc de touche, le législateur a renforcé ses garanties, limité ses pouvoirs : suppression de la capacité de placer en détention provisoire, spécialisation dans les contentieux les plus difficiles, de la défense durant la phase de l’instruction afin de susciter le débat et l’échange. Le but ? Éviter que le juge d’instruction passe à côté de la vérité.
Lorsqu’elle ne remplit pas sa mission, la Justice doit offrir une voie consolatrice. À la victime qui attend depuis trop longtemps, qui n’obtiendra jamais la vérité, on doit au moins offrir une possibilité de faire reconnaître les fautes de la justice pénale. La responsabilité personnelle du magistrat peut être une solution. En réponse à la fameuse question de Jean-Denis Bredin, un juge indépendant ne peut pas être irresponsable. Depuis 2008, les justiciables peuvent d’ailleurs saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature.
Mais, souvent, il s’agit moins de blâmer un juge que de critiquer un système, un ensemble d’erreurs et d’incohérences qui ne se cristallisent pas dans une individualité. Dans ce cas, la justice civile est une option. Elle reçoit les assignations de ceux qui veulent faire sanctionner l’État au titre du fonctionnement défectueux de la justice judiciaire. Du Petit Grégory aux Disparus de Mourmelon, ces grandes affaires judiciaires ont redéfini la responsabilité de l’État face aux erreurs de sa justice. Cet article explore comment elles ont changé notre vision du droit.