Assises du Var : intervention en défense

Assises du Var : intervention en défense

Tom BONNIFAY intervient en défense de l’accusé devant la cour d’assises du Var.

La cour d’assises du Var juge cette semaine Joël L. Engoncé dans son fauteuil roulant, un polo noué autour du cou, Joël L., 65 ans, n’a rien du Barbe bleue du conte de Charles Perrault. Pourtant, au sortir d’une vie amoureuse riche et qu’on imagine tumultueuse, faite de quatre mariages, deux Pacs et… trois enterrements, le sexagénaire est aujourd’hui accusé devant la cour d’assises du Var de l’assassinat de sa dernière épouse, Li Y.. Et suspecté, même s’il ne sera jamais jugé pour cela, d’avoir causé la mort de ses deux premières conjointes (nos éditions précédentes), mortes dans d’étranges conditions en 1988 et 1991., accusé d’avoir noyé son épouse en pleine mer, au large d’Hyères, en septembre 2013. Il encourt la réclusion à perpétuité.

Le 7 septembre 2013, lors d’une sortie en mer, Li Y., ressortissante chinoise de 54 ans, chutait à l’eau à environ un kilomètre du rivage, au large de la plage de la Bergerie à Hyères. Sans porter de gilet de sauvetage, ne possédant quasiment aucune notion de natation et ayant, surtout, très peur de l’eau… Après plusieurs minutes de lutte et malgré le secours de Joël L. qui avait abandonné l’embarcation pour se jeter à son secours, la quinquagénaire décédait d’une « noyade vitale ».

Comme une semaine auparavant, Li Y. avait cédé – sous la contrainte selon une amie – au souhait de son mari de prendre la mer. Le 31 août, elle avait d’ailleurs averti une connaissance que si elle ne l’appelait pas le soir même, c’est parce qu’elle serait « morte ». C’est donc à contrecœur, et avec la peur au ventre, qu’elle était montée à nouveau sur le semi-rigide le 7 septembre. Et peu importe que, ce jour-là, la mer soit d’huile avec un vent de sud-est soufflant à peine à 15km/h. « Elle m’avait confié qu’il voulait la tuer, se souvient onze ans après la personne qui avait loué le bateau au couple. Je ne l’avais pas prise au sérieux. J’avais rigolé. Pour moi, c’était de la dérision. Je ne savais pas qu’elle ne savait pas nager. »

Le gendarme de la brigade nautique qui était intervenu en premier lieu n’avait pas connaissance de ces éléments au moment de ses constatations initiales. Pourtant, son « expérience de la mer » l’avait déjà averti que quelque chose clochait dans cet accident. « C’est un ensemble de petits éléments qui ont fait monter la suspicion, explique-t-il au président Patrick Véron. Suffisamment en tout cas pour qu’on soit, selon moi, au-delà de la malchance. »

Il en veut pour preuve ce jet d’ancre sans raison apparente dans une zone sablonneuse alors que le moteur venait de caler. Souffrant de poliomyélite et n’ayant pas l’usage de ses jambes, Joël Levêque avait pu relancer la machine mais avait sollicité l’aide de son épouse pour remonter l’ancre. C’est alors qu’il rangeait celle-ci qu’il avait entendu Li tomber à l’eau.

« Ce qui est également troublant, c’est de quitter de la sorte un bateau manœuvrant, poursuit l’enquêteur. Il aurait pu jeter un gilet, le semi-rigide en comptait neuf, et revenir vers elle. C’est d’autant plus bizarre qu’il souffre d’un handicap et qu’elle était aquaphobe, sans gilet de sauvetage… »

Pourtant, une fois le rapport du président effectué, Joël L. confirme à la cour ce qu’il répète depuis une décennie maintenant: « C’est un regrettable accident qui m’a beau coup affecté. À aucun moment je n’ai prémédité ce qu’il s’est passé. C’est un malheureux concours de circonstances qui a conduit à ce décès. Ce n’est vraiment pas ce que je voulais… »

Pour expliquer l’absence de gilet de sauvetage sur les épaules de Li Y., l’accusé en appelle à « la culture chinoise » qui veut que « le bronzage soit mal vu »« Elle faisait en sorte d’avoir le moins de traces de soleil possible. Donc elle l’enlevait car ça la gênait. »

La cour aura jusqu’à mardi 14 janvier pour faire la lumière sur ce crime sans preuve ni témoin, mais aussi pour se pencher sur le passé de l’accusé, les décès de ses épouses précédentes et son mariage avec la victime qui battait de l’aile. Nombreuses sont en effet les interrogations planant au-dessus de ce dossier.

Avant la mort de Li Yao, Joël L. cherchait ainsi activement sur un site de rencontres une nouvelle compagne pour « bâtir un avenir ». Trois semaines après le drame, il passait une nouvelle annonce du même genre. Après chaque disparition de ses conjointes, il avait en outre bénéficié d’une assurance emprunteur couvrant la moitié de ses crédits immobiliers. Défendu par Mes Tom Bonnifay et Valentin Loret, Joël L. encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

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07/01/2025