Affaire Joël Lévêque : la défense au cœur du soupçon
25 ans requis. 15 ans prononcés. Le verdict de la cour d’assises du Var, rendu en janvier 2025, a clos un procès d’une rare intensité — celui de Joël Lévêque, accusé d’avoir provoqué la noyade de son épouse, Li Yao, au large de Hyères en septembre 2013. Tom Bonnifay, du cabinet Vouland Avocats est intervenu en défense dans cette affaire singulière, où la justice devait trancher entre le tragique accident et le scénario criminel.
Une mer calme, un soupçon persistant
Tout commence un 7 septembre 2013. Un couple de plaisanciers aperçoit, au large de Hyères, deux silhouettes dérivant dans l’eau. Lui, Joël Lévêque, appelle à l’aide. Elle, Li Yao, 54 ans, est déjà inerte. Ramenée sur le rivage, elle ne respire plus. L’autopsie conclut à une noyade. Aucune trace de coups, aucune lésion suspecte.
Mais autour du drame, le récit s’épaissit. Des proches affirment que la victime craignait pour sa vie. Qu’elle avait confié à une amie :
“Si ce soir je ne t’appelle pas, c’est que je suis morte.”
À cette inquiétude s’ajoute un élément troublant : peu avant le décès, Joël Lévêque s’était inscrit sur un site de rencontres, cherchant déjà une nouvelle compagne.
Le poids du passé
L’enquête révèle un parcours conjugal singulier. Quatre mariages, trois épouses décédées dans des circonstances qualifiées de “domestiques”. Des drames anciens, classés sans suite. Mais qui, dans la lumière crue du présent, deviennent les échos d’un doute.
Pour les enquêteurs, un schéma se répète : des femmes fragiles, handicapées, malades — et un mari présent, à chaque fois, lors de leur mort. Pour la défense, il n’y a là qu’une succession de malchances et de coïncidences, transformées, des années plus tard, en accusation d’intention.
Le procès du doute
Lors de l’audience, l’accusation requiert 25 années de réclusion criminelle, estimant que la mort de Li Yao ne pouvait être fortuite.
Mais la défense rappelle la faiblesse des preuves, l’absence de témoin, l’autopsie sans trace de violence. Plaider ici, c’est refuser la facilité du symbole : celle d’un homme condamné pour son histoire plutôt que pour les faits.
Devant les jurés, l’avocat général parle d’une “curieuse sortie en mer”.
La défense répond qu’il n’y a pas de crime sans certitude. Et qu’en matière criminelle, le doute doit encore profiter à l’accusé.
Une décision d’équilibre
Le verdict tombe : 15 ans de réclusion criminelle, dix de moins que les réquisitions. Une décision qui traduit une conviction nuancée — ni absolution, ni condamnation exemplaire —, mais la reconnaissance implicite de l’incertitude qui traverse ce dossier.
Dans les procès d’assises, la vérité n’est jamais totale. Elle se compose de fragments, de contradictions, de silences. La mission de la défense est de leur donner voix, sans excès, sans posture — simplement avec la constance du doute.
Une affaire sous les yeux des médias
Le dossier Joël Lévêque a suscité un fort retentissement médiatique. Plusieurs articles et documentaires ont traité cette affaire sous l’angle de la succession de décès inexpliqués :
- RTL : « Affaire Joël Lévêque : la mort de trois de ses épouses est-elle un hasard ? »
RTL – 7 oct. 2024 - La Tribune / Télérama : « “Si je ne vous donne pas de nouvelles ce soir, c’est que mon mari m’a tuée.” Joël Lévêque, alias le veuf noir du Var, a-t-il noyé sa femme ? »
La Tribune – 3 juil. 2024 - France Télévisions (France 2) : documentaire « Au bout de l’enquête. La fin du crime parfait » – « Affaire Joël Lévêque : quatre mariages, trois enterrements. »
France 2 – 12 sept. 2024
Ces couvertures renforcent la visibilité publique du dossier tout en soulignant l’importance, pour la défense, de redéfinir le cadre du débat, loin de la théorie sensationnaliste. L’avocat pénaliste doit ainsi naviguer entre l’opinion, le mythe, et la réalité factuelle.
La défense pénale, acte de constance
Pour le Cabinet Vouland Avocats, cette affaire rappelle l’essence du métier d’avocat pénaliste : tenir la barre dans la tempête, défendre sans relâche la présomption d’innocence, et rappeler que la vérité judiciaire se construit dans la contradiction, non dans la conviction seule.
L’expérience de la cour d’assises, la maîtrise du dossier et la constance de la stratégie de défense ont permis d’obtenir une peine nettement inférieure aux réquisitions, tout en préservant l’humanité d’un homme au cœur du procès.