Responsabilité pénale de l’employeur : la sécurité comme ligne de défense

Responsabilité pénale de l’employeur : la sécurité comme ligne de défense

Il y a des silences qui coûtent cher. Une consigne oubliée, un protocole imprécis, une prévention ajournée. En matière d’accidents du travail, le droit ne reconnaît ni l’ignorance, ni le hasard. L’entreprise est comptable de ce qu’elle sait, de ce qu’elle anticipe, et de ce qu’elle néglige.


L’accident du travail : un moment de bascule

Chaque accident grave est un point de rupture. Pour la victime, bien sûr. Pour les équipes, souvent. Mais aussi pour les dirigeants, dont la responsabilité peut basculer du terrain managérial au registre pénal. Car la loi ne laisse guère d’ambiguïté : l’obligation de sécurité de l’employeur est une obligation de résultat. Et son manquement peut entraîner des poursuites.

Articles en jeu :

  • Homicide ou blessures involontaires (C. pénal, art. 221-6 et 222-19)
  • Mise en danger délibérée d’autrui (art. 223-1)
  • Infractions aux règles de sécurité (C. trav., art. L. 4741-1 et suivants)

Lorsque le tribunal entre dans l’entreprise, la question n’est pas seulement « ce qui s’est passé », mais « ce qui avait été mis en place pour que cela n’arrive pas ».


L’exemple des risques climatiques : le cas des chantiers sous forte chaleur

Entre 2018 et 2023, 48 décès liés à des épisodes caniculaires ont été recensés. Pas dans des zones désertiques, mais en France. Pas dans l’abstrait, mais sur des chantiers, dans des entrepôts, au cœur d’ateliers.

Et dans plusieurs cas, les mesures élémentaires n’avaient pas été prises :

  • Absence de points d’eau
  • Maintien d’horaires inadaptés
  • Aucune adaptation des postes exposés

Les enquêtes ont souvent mis en cause l’employeur. La chaleur, facteur reconnu de risque professionnel, n’avait pas été prise au sérieux. Or, devant le juge, la méconnaissance n’a jamais valeur de défense.


Anticiper : une exigence de fond, pas une formalité

Le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUERP) : premier levier de protection

Ce document est bien plus qu’un tableau à remplir : il constitue le socle de toute stratégie pénale de défense. S’il est obsolète, générique ou mal appliqué, il devient un indice de négligence.

Un DUERP stratégique :

  • Identifie les risques spécifiques à chaque poste
  • Propose des mesures concrètes, réalistes et vérifiables
  • Est révisé à chaque évolution significative (changement de locaux, de process, d’outillage)

La formation : un réflexe de prévention, un outil de protection

Former n’est pas seulement transmettre. C’est aussi prouver que l’entreprise a agi. Cela suppose :

  • Un plan de formation formalisé
  • Une traçabilité des sessions et des participants
  • Une implication des managers de terrain, premiers capteurs de signaux faibles

Un salarié bien formé réduit le risque d’accident. Et en cas d’accident, la preuve de cette formation protège l’entreprise.


Sous-traitance : les risques ne se délocalisent pas

Le recours à un prestataire n’efface pas la responsabilité du donneur d’ordre. Le dirigeant doit veiller à :

  • L’audit préalable des pratiques du sous-traitant
  • La contractualisation d’engagements clairs en matière de sécurité
  • Des contrôles ponctuels sur site

Un accident impliquant un sous-traitant mal sélectionné peut engager la responsabilité de l’entreprise commanditaire.


Crise : la gestion immédiate conditionne la suite

En cas d’accident, chaque heure compte. Pour la victime, pour les autorités, pour la stratégie de défense. L’entreprise doit :

  • Déclarer l’accident sans délai
  • Lancer une enquête interne
  • Coopérer pleinement avec l’inspection du travail et les forces de l’ordre
  • Être présente auprès de la victime et de sa famille, sans céder à la panique médiatique

L’attitude de l’entreprise dans les premières 48h est souvent déterminante dans l’appréciation du juge.


Le droit pénal du travail comme outil de gouvernance

Loin d’être un simple volet réglementaire, la prévention du risque pénal s’inscrit dans une stratégie globale d’entreprise. Elle touche :

  • La continuité d’exploitation
  • La réputation de la marque
  • La confiance des salariés, des partenaires, des investisseurs

Dans un contexte où la responsabilité du dirigeant peut être engagée personnellement, la maîtrise du risque accidentel n’est plus une option. Elle devient un pilier de gouvernance éclairée.


Le Cabinet Vouland : défense pénale & culture du risque

Notre cabinet accompagne les entreprises et leurs dirigeants confrontés à la survenance d’un accident du travail ou à des poursuites pénales en lien avec la sécurité.
Nous intervenons avec rigueur et discrétion à chaque étape :

  • Audit de conformité & cartographie du risque
  • Mise en place ou révision des procédures internes
  • Défense stratégique en cas de mise en cause pénale
  • Accompagnement de crise

Prévoir n’est pas un luxe. C’est une exigence silencieuse qui, en cas d’épreuve, devient une arme de défense.

Pour aller plus loin

01/04/2025