2006 – Affaire « Mama Galedou » du bus incendié

C’était un soir d’automne. De ces premières nuits fraîches qui, à Marseille, annoncent la véritable fin de l’été. Ce 28 octobre 2006, Cheb Mami faisait chalouper le Dock pour la Fiesta des Suds, marqueur local de ce changement de saison. Mama Galledou, elle, n’allait pas danser : cette studieuse étudiante en sciences de 26 ans rentrait tranquillement en bus à Saint-Jérôme. Depuis six ans, la jeune femme d’origine sénégalaise vivait ici, dans un petit appartement de la cité des Balustres (13e). Mais ce soir-là, le chemin de Mama s’est arrêté à la hauteur de l’avenue Normandie-Niemen, quand un groupe de jeunes gens a bloqué les portes du bus, crié aux passagers de descendre. Et incendié le véhicule conduit par Dany Fernandez. Comme ça, par inconscience et bêtise. Pour « se faire un bus, passer à la télé », comme ces banlieues de France qui s’étaient embrasées à l’automne 2005. Mais pas Marseille, se félicitait-on alors.

Mama n’a pas eu le temps de quitter le bus en feu. Et ce n’est peut-être que le geste d’un voisin de la cité des Lilas, Djamel Ramdani, qui lui a sauvé la vie. Cet homme, qui recevra ensuite comme Dany Fernandez la médaille de la Ville pour son geste héroïque, avait entouré l’étudiante de sa veste jusqu’à éteindre les flammes. Brûlée à 62 % de sa surface corporelle, la jeune femme devra subir un grand nombre d’opérations et des années de rééducation. 

Dès les premières heures, son calvaire a dépassé Marseille et le simple fait divers pour devenir une affaire nationale. C’est qu’on était là, déjà, dans un contexte de campagne présidentielle, dont un candidat, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur UMP, donnait le tempo. Autour du bus 32, il avait assis son argumentaire sécuritaire, et préconisé la réforme de l’ordonnance de 1945, imposant un régime spécifique pour les délinquants mineurs, plus sévère avec les multirécidivistes. Ce que la plupart des mis en cause, des gamins des cités voisines, n’étaient d’ailleurs pas. Contacté il y a quelques jours par nos soins, Nicolas Sarkozy, à nouveau en campagne et présent à Marseille hier, a refusé de revenir sur cet événement. En politique, un fait divers chasse l’autre. À l’incendie du bus 32 avait donc succédé l’embrasement médiatique. Du côté des élus locaux, le drame sera l’occasion de réclamer des effectifs de police. Quand les acteurs sociaux tentaient, eux, de réveiller les consciences sur le thème de l’abandon des cités. 

Dans ces tours de Saint-Jérôme, on condamnait l’acte et on s’interrogeait : comment cela, l’impensable, avait-il pu arriver ? Rapidement interpellés, sur l’info d’un indic’ qui finira lui-même tragiquement ses jours (en 2008, Lyes Gouasmia, victime d’un règlement de comptes, sera retrouvé calciné à Vitrolles), huit jeunes seront traduits devant la justice. Et condamnés à des peines de 3 à 9 ans de réclusion, aujourd’hui effectuées. Philippe Vouland sera le défenseur de l’un d’entre eux. Les regrets exprimés et les aveux de celui qui avait jeté le mouchoir enflammé « permettront de faire quelques pas vers la vérité ». Mais « ce qui reste d’un procès pénal, c’est un grand vide », résumera Me Alain Molla, avocat de la partie civile.

De cette expérience éprouvante, Philippe Vouland et Alain Molla en ont tiré un film, réalisé par Jean Danet : « Des deux côtés de la barre ». Ils racontent leur expérience du métier d’avocat pénaliste, dissertent avec profondeur de questions techniques et éthiques, que l’on soit du côté des parties civiles ou de la défense.

Retrouvez l’article de La Provence dont est tiré ce récit : https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/4177374/.html