Brice Grazzini, associé du Cabinet Vouland, invité de l’UCECAP à Paris

Brice Grazzini, associé du Cabinet Vouland, invité de l’UCECAP à Paris

Le 17 septembre 2025, à Paris, l’Union des Caisses d’Épargne pour la Coopération et la Protection (UCECAP) organisait une formation consacrée à l’un des moments les plus sensibles de la procédure pénale : la phase d’instruction.

Aux côtés de magistrats et d’avocats spécialisés, Brice Grazzini, associé du Cabinet Vouland Avocats, est intervenu sur le thème « L’instruction inquisitoire sous le sceau du secret ».

L’instruction : une étape déterminante

Située entre l’enquête et le jugement, l’instruction fixe le cadre du procès. Elle détermine s’il existe des charges suffisantes et conditionne un éventuel renvoi devant une juridiction. Pour la défense, chaque acte est stratégique : délais, expertises, secret de l’instruction.

L’expertise privée et le secret de l’instruction : une évolution majeure

Brice Grazzini a souligné un point décisif pour les praticiens : la possibilité de communiquer certaines pièces couvertes par le secret de l’instruction à un expert privé sans commettre d’infraction, dès lors que cela est nécessaire à l’exercice des droits de la défense.

Traditionnellement, l’article 114, alinéa 6, du Code de procédure pénale ne permettait de communiquer à des tiers que les rapports d’expertise judiciaire. Mais dans les faits, comment demander à un médecin légiste d’évaluer la plausibilité scientifique de la version d’un client sans qu’il ait accès à ses interrogatoires ? Comment exiger d’un expert en téléphonie qu’il analyse un bornage sans les données contenues dans la PNIJ ? Comment demander à un expert-comptable d’évaluer la situation financière d’une société sans ses liasses fiscales saisies au cours de l’information ?

Deux décisions récentes ont apporté une clarification essentielle :

  • Conseil constitutionnel, 17 mars 2023 : l’article 114, alinéa 6, ne fait pas obstacle à la communication d’informations issues de l’instruction à des tiers, lorsqu’elle est nécessaire à l’exercice des droits de la défense.
  • Chambre criminelle, 11 juillet 2023 (n° 23-82.682) : les juges ne peuvent plus écarter une expertise privée au motif qu’elle aurait été réalisée sur des pièces couvertes par le secret. Ils doivent uniquement en apprécier la valeur probante et en permettre le débat contradictoire devant la juridiction de jugement.

Ce mouvement jurisprudentiel recentre le contrôle sur la juridiction de jugement et légitime une pratique déjà adoptée par de nombreux avocats. Désormais, tout ce qui est utile à la défense peut être communiqué à un sapiteur.

Un débat stratégique pour la défense

Ce développement illustre un changement de paradigme : le respect du contradictoire et l’efficacité des droits de la défense justifient la communication des pièces nécessaires, même couvertes par le secret. L’infraction de violation du secret professionnel trouve ainsi sa limite dans l’exercice des droits de la défense.

L’approche du Cabinet Vouland

En rappelant cette évolution devant l’UCECAP, Brice Grazzini a illustré l’expertise du Cabinet Vouland dans les dossiers d’instruction complexes : une défense construite sur la maîtrise des règles procédurales, la précision technique et la recherche d’un équilibre constant entre secret, contradictoire et efficacité.

FAQ – Secret de l’instruction et expertise privée

1. Qu’est-ce que le secret de l’instruction ?
Le secret de l’instruction interdit, en principe, toute communication des pièces d’un dossier d’instruction à des tiers. Il vise à protéger l’efficacité de l’enquête et la présomption d’innocence.

2. Les avocats peuvent-ils communiquer des pièces à des experts privés ?
Traditionnellement, seuls les rapports d’expertise judiciaire pouvaient être transmis (article 114, alinéa 6, CPP). Mais la jurisprudence a ouvert une possibilité nouvelle : certaines pièces peuvent être communiquées si cela est indispensable à l’exercice des droits de la défense.

3. Quelles décisions ont modifié cette règle ?

  • Conseil constitutionnel, 17 mars 2023 : affirmation que l’article 114 ne fait pas obstacle à la communication utile aux droits de la défense.
  • Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juillet 2023 (n°23-82.682) : validation d’expertises privées fondées sur des pièces couvertes par le secret, dès lors que leur valeur peut être débattue contradictoirement devant le tribunal.

4. Quelles pièces peuvent être concernées ?
Il peut s’agir d’interrogatoires, de confrontations, de reconstitutions, de fadets téléphoniques (PNIJ), ou encore de documents comptables saisis. L’avocat doit cependant démontrer leur utilité pour la défense.

5. Quels avantages pour la défense ?
Cette ouverture permet :

  • à un médecin légiste de vérifier la plausibilité scientifique d’une version des faits,
  • à un expert en téléphonie d’analyser un bornage,
  • à un expert-comptable d’étudier une situation financière complexe.

6. Y a-t-il un risque pour l’avocat qui transmet ces pièces ?
Désormais, la transmission n’est pas constitutive d’une infraction dès lors qu’elle est justifiée par l’exercice des droits de la défense. Le risque pénal est donc neutralisé par cette justification.

7. Comment les juges apprécient-ils ces expertises privées ?
Les juridictions ne peuvent pas les écarter en bloc. Elles doivent en apprécier la valeur probante et permettre aux parties d’en débattre, au même titre que les expertises judiciaires.

22/09/2025