Gouverner à l’heure du risque pénal

Gouverner à l’heure du risque pénal

Sortir de la logique du deal

Dans l’entreprise contemporaine, tout s’accélère. Les contrats se signent, les projets s’enchaînent, les décisions s’alignent sur la cadence du marché. Mais la logique du deal – celle du donnant-donnant, du court terme, du compromis – ne suffit plus.

Elle sécurise une transaction, certes, mais elle ne fonde pas une politique.

Or le risque pénal, qu’il s’agisse de travail, d’environnement, de corruption ou de données, appelle tout autre chose : des lignes rouges, des arbitrages assumés, et surtout la preuve de la prudence – celle qui se lit dans les décisions, les procédures, les écrits.

Ce n’est plus seulement une affaire de conformité, mais de gouvernance.

Il ne s’agit plus de savoir si l’entreprise a bien signé, mais comment elle a décidé.

Autrement dit, passer d’une logique du « deal » à une culture de la décision responsable, capable de se défendre dossier en main, devant un juge, une autorité, ou simplement face à l’opinion.

1) Le contrat n’est pas une politique

Un contrat encadre une relation bilatérale. La conformité pénale, elle, exige un cadre supérieur : principes, seuils, interdits, comités qui peuvent dire non.

Idée-clé : la question ne sera plus « avez-vous un contrat ? », mais « comment avez-vous arbitré entre performance et risque – et quelles traces en gardez-vous ? ».

2) La nouvelle “monnaie” : la preuve de prudence

Dans un monde fini (ressources, attention sociale, normes), on sanctionne l’excès : pressions managériales répétées, sous-traitance aveugle, délais qui écrasent la sécurité, externalisation de déchets « à meilleur prix ».

Votre bouclier : des mémos d’arbitrage datés, des PV de comités risques, des stops documentés, des plans de remédiation suivis.

3) Les sept piliers d’une gouvernance pénale crédible

1. Lignes rouges non négociables
Sécurité / environnement / sous-traitance critique / cadeaux & invitations / intégrité des données. Écrites, connues, appliquées.

2. Proportionnalité documentée
Pour tout projet sensible : objectif, risques, moyens, alternatives écartées (et pourquoi). Signature juridique et opérationnelle.

3. Cartographie des risques “vivante”
Mises à jour trimestrielles sur les zones chaudes (harcèlement, ICPE, déchets, marchés publics, cybersécurité). Indicateurs et responsables.

4. Comité éthique/risques qui peut stopper
Indépendant du P&L, procès-verbaux motivés, calendrier annuel, droit d’alerte au conseil.

5. Due diligence fournisseurs graduée
KYC, visites de sites, clauses d’accès à l’information, droit d’audit, plan de remédiation, exit plan en cas de non-conformités récurrentes.

6. Enquêtes internes “forensic-ready”
Charte d’enquête, respect des droits, préservation des preuves, passerelle avec l’enquête pénale, plan de communication.

7. Traçabilité des décisions difficiles
Registre “dilemmes & arbitrages”, arrêts d’activité, retraits de produits, ruptures de contrat : mieux vaut un “non” écrit qu’une procédure décorative.

4) Travail & harcèlement : la ligne de crête

Le management n’est pas le harcèlement ; la frontière bascule par répétition, disproportion, isolement.
Réflexes :

  • Glossaire métier (recontextualiser les mots, éviter les contresens).
  • Cartographie décisionnelle (qui décide/qui exécute).
  • Égalité de traitement (éviter la « cible unique »).
  • Écritures managériales maîtrisées (objectifs, avertissements, feedbacks) avec une grammaire de proportionnalité.
  • Recours à l’expertise (facteurs extra-professionnels, organisation).

5) Environnement & ICPE : du permis au devoir de prouver

Le risque pénal environnemental est structurel : pollution, déchets, eau/air/sols, mise en danger.
Au-delà de l’autorisation : plans de prévention, journal des incidents, maintenance tracée, stop-work assumés, audits sous-traitants et preuves de corrections apportées.

6) Corruption & marchés publics : l’épreuve d’effectivité

Procédures Sapin II, sponsoring, intermédiaires : l’inaction documentée se voit.
Bon réflexe : contrôles aléatoires, refus consignés, sanctions internes graduées, « cooling-off » sur décisions limites, journal des sollicitations indues.

7) Enquêtes, réquisitions, perquisitions : être prêt

  • Fiches réflexes : qui accueille, qui assiste, qui décide, ce que l’on peut/doit remettre.
  • Chaîne probatoire : copie/horodatage, sceaux, inventaires.
  • Verbatims utiles et sobres.
  • Journal de perquisition et CR interne sous 24 h.
  • Formation des dirigeants et assistantes (simulation).

8) Communication de crise : un fait = une pièce

  • Un fait affirmé = une source = une pièce.
  • Pas de sur-promesse.
  • Périmètre clair : qui parle, à qui, sur quoi.
  • Versions conservées (utile contre les allégations de tromperie/obstruction).

9) Ce qu’un procureur attend (et ce qu’il sanctionne)

Attend : gouvernance visible, décisions de prudence, arrêts d’activité quand nécessaire, sanctions internes, traçabilité, coopération ordonnée.

Sanctionne : procédures vitrines, ignorance des alertes, externalisation du risque, économies sur la sécurité ou l’environnement.

Notre pratique : sobre, traçable, orientée preuves

  • Audit pénal “flash 30 jours” : revue gouvernance & risques, stress-tests harcèlement/environnement, plan d’actions priorisé.
  • Pack “perquisition-ready” : protocoles, fiches, valise probatoire, formation.
  • Ateliers direction juridique : écrire la preuve de prudence (mémos, PV, matrices d’arbitrage).
  • Programme managers : « Ce qui est management / Ce qui devient pénal » (cas vécus, check-lists).

À retenir (COMEX)

  • Le contrat protège peu sans preuve de prudence.
  • Votre meilleur bouclier est documentaire.
  • Un refus tracé vaut souvent mieux qu’une procédure parfaite jamais appliquée.

Cabinet Vouland Avocats – Pénal des affaires & pénal de l’entreprise

Marseille • Aix-en-Provence • Paris

Nous défendons dirigeants, entreprises, collectivités et institutions dans les dossiers sensibles (travail & harcèlement, environnement & ICPE, marchés publics & corruption, fraudes & cyber).
Interventions : enquête, instruction, audience, appel. Programmes de prévention sur mesure.

Questions fréquentes (FAQ)

Quand solliciter un avocat pénal des affaires ?
Dès les premiers signaux faibles : alerte interne, accident, mise en demeure, réquisition, contrôle ICPE, audit anticorruption.

Que préparer en amont d’une perquisition ?
Fiches réflexes, registre inventaire, rôle des représentants, sauvegarde/gel des données, “war-room”, plan de communication.

Harcèlement : comment sécuriser le management ?
Écritures proportionnées, égalité de traitement, contextualisation métier, formation des managers, enquête interne cadrée.

Sous-traitance à risque : que vérifier ?
Capacité technique et conformité passée, clauses d’accès à l’information, audits in situ, plan de remédiation, exit plan.

Environnement : preuve de prudence ?
Maintenance tracée, incidents journaux, décisions d’arrêt, mesures correctives, contrôles sous-traitants, reporting au board.

04/12/2025