Harcèlement sexuel d’ambiance : un risque sous-estimé, une responsabilité accrue pour l’entreprise
L’affaire Ubisoft, qui sera jugée en juin 2025, et la récente décision de la Cour de cassation concernant un maître de conférences condamné pour harcèlement sexuel marquent un tournant : le harcèlement dit “d’ambiance” est désormais pleinement reconnu par la justice.
Propos déplacés, culture sexiste banalisée, comportements inappropriés tolérés… Un climat de travail hostile peut suffire à caractériser un harcèlement sexuel, même en l’absence de victime désignée. Ce changement de paradigme expose les employeurs à des risques accrus, qu’ils doivent impérativement anticiper et prévenir.
Un harcèlement sans victime désignée : la reconnaissance du harcèlement d’ambiance
Une évolution jurisprudentielle clé
Dans un arrêt du 12 mars 2025, la Cour de cassation a affirmé que des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, même tenus devant un groupe sans viser une personne précise, peuvent suffire à caractériser un harcèlement sexuel (Crim. 12 mars 2025, n° 24-81.644).
L’arrêt rappelle qu’un salarié n’a pas besoin d’être personnellement visé pour être considéré comme victime. Dès lors qu’il évolue dans un environnement de travail intimidant ou offensant, son préjudice est reconnu.
Un autre arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 26 novembre 2024 (n°21/10408) va dans le même sens : le harcèlement d’ambiance existe dès lors qu’une atmosphère de travail sexiste est tolérée par l’employeur, même si aucun salarié n’est spécifiquement pris pour cible.
L’affaire jugée concernait une ingénieure, confrontée à un climat sexiste généralisé :
✔️ Des surnoms dévalorisants à connotation genrée (« équipe Tampax » pour son équipe, composée uniquement de femmes).
✔️ Des échanges d’images à caractère sexuel entre collègues visibles dans l’open-space.
✔️ L’inaction du management face aux signalements des salariées concernées.
Les juges ont retenu qu’un harcèlement sexuel “d’ambiance” pouvait exister même sans ciblage individuel, dès lors qu’un environnement toxique s’impose aux salariés.
Pourquoi ce risque doit inquiéter les entreprises ?
L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité et doit garantir un environnement de travail sain. La jurisprudence et les recommandations récentes de la Défenseure des droits accentuent cette responsabilité.
Un cadre juridique de plus en plus exigeant
La loi définit le harcèlement sexuel comme :
✔️ Des propos ou comportements répétés à connotation sexuelle ou sexiste portant atteinte à la dignité ou créant un environnement de travail offensant (article 222-33 du Code pénal).
✔️ Un harcèlement discriminatoire fondé sur le sexe, même en l’absence de répétition, si les agissements traduisent un traitement différencié des hommes et des femmes.
✔️ Depuis 2022, le législateur a élargi cette définition aux comportements sexistes répétés, facilitant leur reconnaissance comme du harcèlement sexuel.
En clair : même une culture sexiste diffuse, sans agresseur clairement identifié, peut être considérée comme un harcèlement et engager la responsabilité de l’employeur.
Un risque pénal et financier croissant pour les entreprises
Un dirigeant qui tolère une culture sexiste dans son entreprise s’expose à de lourdes conséquences :
✔️ Une responsabilité pénale pour manquement à son obligation de prévention.
✔️ Une responsabilité civile, avec des dommages et intérêts pour les victimes.
✔️ Un risque réputationnel majeur, amplifié par les dénonciations sur les réseaux sociaux.
✔️ Un coût économique : mal-être des salariés, turnover accru, perte d’attractivité pour les talents.
Les décisions récentes des juridictions françaises montrent que la tolérance managériale face à un harcèlement d’ambiance est désormais sévèrement sanctionnée.
Exemple récent : Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Paris en novembre 2024, l’entreprise a été condamnée à :
✔️ 29 000 euros de dommages-intérêts pour la salariée.
✔️ 6 000 euros pour le préjudice lié au harcèlement discriminatoire.
✔️ 5 000 euros pour le manquement à l’obligation de sécurité.
Comment prévenir efficacement le harcèlement d’ambiance ?
Face à cette menace juridique et managériale, les entreprises doivent adopter une stratégie proactive.
1️⃣ Adopter une politique de tolérance zéro
- Rédiger une charte interne claire contre le harcèlement sexuel et les comportements sexistes.
- Intégrer un code de conduite précis dans le règlement intérieur.
- Faire appliquer ces règles à tous les niveaux de l’organisation.
2️⃣ Former et sensibiliser les managers
- Former systématiquement les responsables RH et les managers.
- Lancer des campagnes de sensibilisation sur l’impact des comportements sexistes.
- Favoriser une culture du respect et de l’écoute active.
3️⃣ Mettre en place des dispositifs d’alerte et d’enquête interne
- Désigner un référent harcèlement, obligatoire dans les entreprises de plus de 250 salariés.
- Créer un dispositif de signalement confidentiel et sécurisé.
- Garantir la protection des lanceurs d’alerte et des victimes.
4️⃣ Enquêter rigoureusement en cas de signalement
- Respecter les recommandations de la Défenseure des droits : confidentialité, impartialité, objectivité.
- Recueillir les témoignages et les preuves de manière systématique.
- Sanctionner les comportements fautifs, dès le premier signalement avéré.
5️⃣ Assurer un suivi et des mesures correctives
- Évaluer régulièrement le climat de travail via des enquêtes internes.
- Encourager les salariés à signaler les comportements inappropriés sans crainte de représailles.
- Réagir immédiatement aux signalements, avec des sanctions adaptées.
Conclusion : un impératif stratégique pour les employeurs
Les affaires Ubisoft et de l’enseignement supérieur démontrent que le harcèlement sexuel en entreprise dépasse la relation interpersonnelle. Il est devenu une question d’environnement de travail, un enjeu collectif, et surtout une responsabilité pour l’employeur.
Dans ce contexte, l’inaction ou la minimisation des faits ne sont plus une option. Seule une politique de prévention rigoureuse et une vigilance constante permettront aux entreprises d’éviter des contentieux coûteux et de préserver un climat de travail sain.
Anticiper, c’est protéger ses salariés, sa réputation et son activité.
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