Silence, on pollue ?

Silence, on pollue ?

Quand le référé pénal environnemental rencontre le droit au silence

Publié dans AJ Pénal, mars 2025
Par Tom Bonnifay, avocat pénaliste


La prudence ne se décrète pas, elle s’anticipe.
Dans les matières environnementales, où les lignes entre prévention et répression sont volontairement floues, le droit pénal avance masqué. Le référé environnemental en est l’illustration parfaite : une procédure aux allures conservatoires, initiée en urgence pour prévenir un dommage écologique… mais dont l’impact peut être immédiatement répressif pour l’entreprise mise en cause.

L’arrêt du 28 janvier 2025 (n°24-81.410), rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation, vient marquer un tournant stratégique : dès lors qu’un dirigeant est entendu dans le cadre d’un référé environnemental, il doit être informé de son droit de se taire, si une procédure pénale parallèle est déjà engagée.

Une affaire emblématique

Un syndicat mixte, autorisé à réaliser des travaux de restauration écologique, se retrouve mis en cause pour l’emploi de matériaux jugés inappropriés : gravats, plastiques, bitume… L’administration alerte. Le parquet agit. En parallèle d’une enquête préliminaire, un référé est initié devant le JLD pour suspendre les travaux.

Le président de la structure est entendu. Aucun droit au silence ne lui est notifié. L’urgence écologique masque l’enjeu fondamental : celui de la présomption d’innocence, et du statut – incertain – du dirigeant entendu.

Une frontière délicate : procédure conservatoire ou pré-juridictionnelle ?

Le Conseil constitutionnel, saisi en QPC, répond sans détour : dès lors qu’une personne est déjà suspectée ou poursuivie pour les faits visés, elle doit être informée de son droit de se taire. La Cour de cassation applique la réserve d’interprétation, annule la décision, et rappelle un principe fondamental : ce n’est pas l’intitulé de la procédure qui compte, mais l’usage futur des déclarations.

Ce que cette décision consacre, c’est la fin d’une ambiguïté : derrière la prévention, il y a parfois l’ombre d’une accusation. Et derrière le silence, la possibilité d’une protection.

Une vigilance stratégique pour les entreprises

Derrière le formalisme du droit, une réalité opérationnelle s’impose aux dirigeants :

  • Clarifier la nature des poursuites avant toute audition.
  • Exiger la notification des droits dès les premières étapes.
  • Être assisté d’un conseil, même dans un cadre supposé non répressif.

Car les déclarations faites lors d’un référé environnemental – même en apparence anodines – peuvent être réutilisées devant le tribunal correctionnel. Ce qui est dit pour rassurer peut servir à accuser. Ce qui est livré avec spontanéité peut se transformer en aveu.


Le luxe discret de la rigueur procédurale

Les entreprises évoluent dans un environnement normatif dense et mouvant. Face à une administration de plus en plus active, l’anticipation devient un atout stratégique, et la défense pénale un enjeu de gouvernance. Ce n’est pas seulement la réputation qui se joue, mais l’accès même au marché, l’intégrité de la marque, la confiance des partenaires.

Le droit de se taire n’est pas un repli. C’est un réflexe de protection.


Le Cabinet Vouland accompagne les entreprises, dirigeants et collectivités confrontés aux procédures environnementales complexes.
Nos équipes interviennent dès les premières auditions, pour sécuriser les déclarations, construire une défense structurée et préserver vos intérêts face au risque pénal.

Pour aller plus loin :

27/03/2025