Enquête préliminaire : comment réagir en cas de médiatisation ?

Enquête préliminaire : comment réagir en cas de médiatisation ?

Lorsque l’on dirige une entreprise, une mise en cause dans une affaire pénale peut rapidement se transformer en crise. Ce n’est pas le jugement qui fait scandale, c’est l’enquête préliminaire. Ou plus exactement, sa médiatisation.

Prenons un cas concret : une enquête préliminaire pour corruption, abus de biens sociaux ou blanchiment d’argent. Pas de mise en examen, pas d’instruction. Le dossier est géré discrètement par la brigade financière de la police judiciaire, sous le contrôle du parquet financier.

Et soudain, sans que vous ne soyez officiellement informé, un article de presse révèle que votre entreprise ou son dirigeant est « soupçonné ». Les termes ne sont pas forcément prudents et les conséquences, elles, sont immédiates : chute de crédibilité, perte de partenaires, atteinte durable à la réputation. Tout cela sans avoir eu accès au dossier, ni même pu présenter une seule observation.

Alors que faire ? Existe-t-il un recours ? La réponse est oui, et elle se trouve dans un article encore trop peu utilisé du Code de procédure pénale : l’article 77-2, qui permet, sous certaines conditions, l’ouverture du contradictoire pendant l’enquête préliminaire.


PLAN DE L’ARTICLE

  1. La médiatisation en droit pénal des affaires
  2. La présomption d’innocence dans le cadre de l’enquête préliminaire
  3. L’article 77-2 CPP : un levier stratégique pour la défense
  4. Un déséquilibre dénoncé depuis longtemps
  5. Vos recours concrets en tant qu’entreprise mise en cause

1. La médiatisation en droit pénal des affaires

Les affaires pénales économiques ou financières sont fréquemment traitées par voie de presse. À Marseille comme ailleurs, dès que l’enquête concerne des faits de corruption, de fraude fiscale, de blanchiment ou de financement illégal, l’emballement médiatique n’est jamais loin.

C’est une constante dans les dossiers récents : Arcelor Mittal, Sanofi, Vinci, Lafarge, Orpea… La presse joue désormais un rôle structurant dans la perception de la culpabilité avant tout procès.

La fuite peut émaner de toute part, étant précisé que le procureur de la République peut lui-même révéler des informations d’une enquête dans le cadre de l’article 11, alinéa 3, du code de procédure pénale : « afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie« .

2. La présomption d’innocence dans le cadre de l’enquête préliminaire

L’enquête préliminaire est une phase d’enquête menée par la police judiciaire, sous la direction du procureur de la République, avant toute décision de poursuivre quelqu’un devant une juridiction pénale. Elle a pour but de réunir des preuves pour vérifier si une infraction a été commise, identifier les auteurs, les complices et évaluer les circonstances des faits.

C’est une enquête dite « préliminaire » car elle intervient avant toute mise en mouvement de l’action publique (c’est-à-dire avant les poursuites formelles) :

  • Elle est décidée soit d’office par le procureur de la République, soit suite à une plainte, un signalement ou un renseignement.
  • Elle est dirigée exclusivement par le procureur, qui peut en fixer les orientations.
  • Ce sont les officiers de police judiciaire (OPJ) qui exécutent les actes concrets d’enquête (auditions, perquisitions, surveillances, expertises, etc.).

Dans ce cadre, les enquêteurs peuvent entendre les personnes concernées librement ou les placer en garde à vue si les conditions sont réunies.

Surtout, l’enquête est secrète (personne n’en est officiellement informé en dehors des parties convoquées) et non contradictoire (les personnes visées ne peuvent pas accéder au dossier avant d’être poursuivies ou convoquées).

Cela signifie que que l’entreprise ou le dirigeant mis en cause par un article de presse n’a aucun accès au dossier, pas même la possibilité de produire des éléments ou d’exercer une contradiction minimale.

La loi prévoit une réponse à cette situation : l’article 77-2 II 3° du Code de procédure pénale.

3. L’article 77-2 CPP : un levier stratégique

Cet article, introduit par la loi de 2016 et élargi en 2021, prévoit que le parquet peut être contraint d’ouvrir partiellement le dossier à la personne mise en cause, notamment lorsqu’une atteinte publique à la présomption d’innocence est constatée.

Le but ? Lui permettre de formuler des observations écrites et des demandes d’actes. C’est peu, mais c’est fondamental. C’est le seul moyen de rééquilibrer la procédure à ce stade.

4. Un déséquilibre dénoncé depuis longtemps

Dès 1990, la commission Delmas-Marty soulignait que la montée en puissance de l’enquête préliminaire au détriment de l’instruction conduisait à un affaiblissement des droits de la défense. Sans juge d’instruction, sans contradictoire, l’enquête devient parfois une mise en accusation sans recours.

Les réformes successives ont timidement tenté d’y remédier (loi du 15 juin 2000, loi du 3 juin 2016), mais dans la pratique, le réflexe reste accusatoire, surtout lorsque les médias s’en mêlent.

5. Vos recours concrets en tant qu’entreprise mise en cause

Si vous êtes une entreprise ou un dirigeant à Marseille, en région PACA ou à Paris, voici ce que vous pouvez faire :

  • Documenter toute atteinte à la présomption d’innocence (articles, citations, fuites).
  • Demander l’accès au dossier via l’article 77-2 II 3° CPP.
  • Saisir le procureur général si le parquet refuse d’ouvrir le contradictoire.
  • Formuler des observations écrites, notamment sur les violations d’impartialité.
  • Envisager une action en diffamation ou une action en responsabilité sur le fondement de l’article 9-1 du code civil si les fuites vous sont manifestement préjudiciables.

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Mini FAQ

Quand puis-je demander l’accès au dossier en cas de médiatisation ?
Dès lors qu’un article de presse ou une communication publique du parquet vous présente comme coupable, vous pouvez activer l’article 77-2 CPP.

Suis-je obligé d’attendre une mise en examen ?
Non. L’article 77-2 s’applique pendant l’enquête préliminaire, avant toute mise en examen.

Le parquet peut-il refuser ?
Il peut tenter, mais ce refus peut être contesté en saisissant le procureur général.

Quelles preuves dois-je produire ?
Tout élément de nature à prouver l’atteinte publique à votre présomption d’innocence : article de presse, communiqué du parquet, citant votre affaire…

Pour aller plus loin :

03/06/2025